par Jean-Louis Ponce
Les armes de Peyrolles (trois chaudrons d’or sur fond noir) sont responsables d’une équivoque au niveau de son étymologie. Ces armes sont en effet « parlantes » et traduisent visuellement l’occitan « pairol », le chaudron. Nul besoin par conséquent de chercher ailleurs les chaudrons de Peyrolles; ils se trouvent dans son nom même, orthographié d’ailleurs dans certains actes « pairolles ».
Peyrolles dérive bien entendu de l’occitan peyre qui vient lui-même du latin petra : pierre et l’étymologie de peyrolles est par conséquent le lieu des pierres, le lieu rocheux.
L’origine de Peyrolles est beaucoup plus ancienne que ce qu’affirme le « dictionnaire topographique du Gard » de Germer-Durand. Ce dernier se basait sur un dénombrement de la sénéchaussée de 1389 , mais nous avons découvert dans les archives du château de Bussas un répertoire de plusieurs actes antérieurs à ce dénombrement.
Citons-en deux :
« Le 8 des Kalendes de décembre 1242, Bernard de Cantamerle donne à noble Pierre Arnald de la Baume de la paroisse de St Martin-de-Corconac tous les droits et les actions qu’il a au mas de Cantamerle, paroisse de St Marguerite de Peyrolles » . (Bertrand de Arbueris notaire)
« 1321 (Pierre de Drulhes, notaire) Noble Pierre de Coste et Pelegrine de la Baume mariés du mas de Bussas baillent à titre d’échange à Arnaud de Valescure et Alaicette Capade mariés de la paroisse de Peyrolles une pièce de terre située dans la paroisse de Peyrolles au lieu appelé le cartal ou camp de l’ortiguier confront les terres de Bernard Senglar au nom de sa femme et avec les terres de Bernard Chaband et avec le vallat de … Supérieur ou de Cartals et avec les terres du mas de … vers le puech . Directe du Camérier de Sauve. »
Repères historiques :
Le premier acte est contemporain à deux ans près du siège et de la reddition de Montségur, et le second à neuf ans de la montée au bûcher de Jacques de Molay (maudits ! maudits ! soyez tous maudits jusqu’à la …)
Ce qui est à remarquer dans l’acte de 1321 , c’est « la directe du Camérier de Sauve » qui pourrait indiquer que l’abbaye de Sauve possédait alors quelques terres sur Peyrolles. Ce qui expliquerait le statut de prieuré qu’avait l’église de Peyrolles puisqu’en principe, les prieurés dépendaient d’abbayes. Une légende contemporaine, issue d’une interprétation abusive d’une monographie de l’abbé Goiffond sur la paroisse de Peyrolles voudrait que cette église ait été détruite par les Camisards et que l’on ait par la suite construit l’église actuelle. Or, nous possédons divers actes prouvant que le prieuré de Sainte Marguerite de Peyrolles était bien situé à l’emplacement de l’église actuelle au début du XVIIe, bien avant la révolte des Camisards. De plus, le registre des actes de la commune de Peyrolles, consultable en Mairie, indique dans une délibération du 3 octobre 1756 ce qui suit « il y a environ 40 ans, la maison presbytérale qui avoit été ci-devant brûlée, fut réparée à neuf et augmentée de la moitié ». L’on pense bien que si l’église avait été détruite et reconstruite, cela aurait été indiqué. L’on sait cependant qu’elle fut incendiée par les Camisards, car Mazel en parle dans ses Mémoires. Mais incendiée, ne signifie pas détruite.
Le second élément à remarquer dans nos deux actes de Bussas, c’est l’apparition de la famille de Valescure. C’est cette famille qui, jusqu’au XVIIe, détiendra la Seigneurie de Valescure qui, par alliance, revient ensuite aux Tourtoulon.
Ils tiendront cette seigneurie jusqu’à la Révolution. Mais d’autres fiefs existaient sur Peyrolles.
Guerres de religion
Peyrolles fut un centre actif du mouvement des prédicants. Nous pensons même qu’il est tout à fait possible que ce mouvement de résistance à la révocation de l’Édit de Nantes ait débuté dans les environs du château de Valescure, si nous en croyons une lettre fameuse de François de Tourtoulon, Seigneur de Valescure :
« Nous voyons des choses étranges dans tous les endroits des Cévennes. On entend chanter la nuit les psaumes en l’air comme si c’était dans un temple. Mercredi dernier ( le 12 décembre 1685), j’entendis sur le couvert (le toit) une voix fort éclatante qui m’éveilla et ensuite 5 ou 6 voix qui lui assistèrent et chantèrent cinq ou six versets du psaume 5. Tous ceux de la maison l’ont ouïe plusieurs fois et cela a été entendu dans tout le pays. »
Pour nous, cette lettre indique, à mots couverts que dès cette époque, des assemblées se tenaient dans les environs du château de Valescure. Un lieu de mémoire protestante donc !
En 1689, le curé-prieur de Peyrolles est assassiné, au niveau du ruisseau du Rieu. Il semble que ses meurtriers l’aient confondu avec cet émule de l’abbé Du Chayla qu’était le curé de St Jean-du-Gard.
Suite à ce meurtre, François de Tourtoulon sera envoyé aux galères. Une lettre de Basville indique qu’il s’agit là d’une mesure prise pour le faire parler. François de Tourtoulon, fidèle à sa foi et à ses amis, préférera mourir à l’hôpital des galères. Son château sera « ruyné ». Ce château, avec la Baume, était un lieu d’étapes pour Vivent, l’un des principaux animateurs du mouvement, qui aurait été, avant la révocation de l’édit de Nantes, chantre du temple de Peyrolles. La Baume, était quant à elle le lieu de résidence de la veuve Poussielguesse, qui la quittera pour devenir une prédicante.
Au moment de la révolte des Camisards, un peyrollais, du Mas de La Salle, Jean-Louis Mercoiret, s’enrôle dans leurs troupes. Il finira pendu à Nîmes. La Baume servit souvent de refuge à Mazel et si l’on en croit Bonbounnoux, le dernier camisard, Peyrolles et la Vallée Borgne en général, demeurèrent accueillants à ces derniers rebelles. Il est à noter qu’un autre Mercoiret, dit Faissole, fait partie, en même temps que Grefeulhe, des fugitifs ayant quitté le royaume. Il n’est donc pas impossible qu’un jour à venir, l’un de leurs descendants, venant de l’un des pays de refuge, ne contacte la commune.
Après les Camisards, vient le temps de l’église du désert. Dans le ruisseau de l’Arboux, la mémoire collective peyrollaise affirme que se sont tenues des assemblées du désert.
Au moment de la Révolution, le curé de Peyrolles fera partie des délégués envoyés à Versailles pour la préparation des États Généraux. L’on se doute bien qu’il prêtera plus tard le serment et acceptera ensuite de rentrer dans la vie civile. A la même époque, les peyrollais pourront acheter des biens nationaux, au niveau de Cartaux, qui appartenaient ci–devant à l’hôpital d’Alès. Enfin, traqué par les gardes nationales, Mazellet, ci-devant seigneur de la Baume, y périra les armes à la main.
Du XIXe au XXe siècle
Le milieu du XIXe marque le début progressif du déclin de la population peyrollaise qui ne fut jamais aussi nombreuse qu’en l’an 1806 avec 207 habitants. En 1856, ce chiffre est tombé à 153, et à 127 en 1896. De 111 habitants en 1911, Peyrolles passe à 42 habitants en 1936 et n’en avait plus que 31 en 1982.
Ceci dit, même si cette commune est l’une des plus petites du Gard, cela ne l’empêche pas d’avoir une histoire que nous aimerions bien approfondir, étant entendu qu’un travail de recherches est actuellement en cours, et que nous n’avons livré ici que quelques éléments susceptibles de figurer sur un site de présentation générale. Les internautes qui posséderaient des éléments susceptibles de faire avancer le schmilblick de la recherche peuvent donc contacter.